Recherche clinique

La recherche clinique : un enjeu de santé publique et d'avenir

Florian Sebal

Introduction

Commençons par un peu d’histoire. L’histoire de la recherche médicale débute dès l’antiquité en Mésopotamie. Entre 2100 et 1700 av J-C, les médecins Babyloniens développent une méthode d’observation médicale, très radicale. Ils transportaient les malades sur la place publique, si les passants avaient eu la même pathologie que les “patients”, les badauds leur prodiguaient des conseils de guérison. Cette “étude” médicale est considérée aujourd’hui comme un des premiers exemples d’étude observationnelle. Nous reviendrons sur ce type d’étude par la suite dans cet article.

Avançons jusqu’au 3ème siècle av J-C. Un médecin égyptien, Hérophile, est un des premiers à pratiquer des autopsies sur les cadavres des condamnés à mort. Il a accumulé beaucoup de connaissances en anatomie dont la structure du système nerveux.

En 460 av J-C naît Hippocrate, le précurseur de la médecine occidentale. Il est le premier à s’intéresser à la protection des patients avec son serment.

La recherche clinique moderne débute après la seconde guerre mondiale.Les premiers textes juridiques fondateurs furent créés lors du procès de Nuremberg en 1945. Ce procès a conduit à la création du code de Nuremberg en 1947 dont les principes sont les suivants :

La Déclaration d’Helsinki de 1964 réaffirme ces principes, en formalisant la conception et la validation des essais cliniques. Cela se traduit notamment par l’apparition des comités d’éthique ou comités de protection des personnes (CPP) pour la validation des essais.

Définition

Un essai clinique est une étude menée sur une population prédéterminée à l’avance via des critères d’accès très stricts pour les patients. Ces études ont pour principal but la mise sur le marché de nouveaux médicaments ou des nouveaux dispositifs médicaux pour de nombreuses pathologies.

Les pathologies les plus concernées par les études cliniques sont :

Méthodologie des essais cliniques

Vue d'ensemble d'un essai clinique

Les différentes phases d’un essai clinique :

Illustration recherche clinique

Source: https://www.centreleonberard.fr/patient-proche/comprendre-les-essais-cliniques

Types d’essai clinique

Etude randomisée contrôlée

L’étude randomisée contrôlée est un essai clinique basé sur le tirage au sort des patients à l’aveugle en deux groupes : un groupe contrôle où les patients peuvent prendre un placebo ou le traitement de référence auquel un traitement expérimental est comparé et le groupe expérimental.Ce type d’essai peut être réalisé en aveugle (le patient ne sait pas s'il prend le médicament expérimental ou non) ou en double aveugle (le patient et le médecin n’ont pas connaissance de la nature du traitement).

Etude interventionnelle

Ce type d’étude porte sur des médicaments ou des dispositifs médicaux expérimentaux (ex: prothèse). Ces essais impactent directement le parcours de soins des patients en occasionnant des examens supplémentaires spécifiquement liés à l’essai clinique interventionnel.

Etude observationnelle

Ce type d’essai s’intéresse le plus souvent à des prises en charge thérapeutiques ou à des produits de santé déjà présents sur le marché. Ce sont des essais de phase 4 qui ont pour but la comparaison de plusieurs solutions thérapeutiques existantes sur le marché.

Mise en place d'un essai clinique

La mise en place d’un essai clinique débute par la rédaction du protocole par des médecins rédacteurs qui vont élaborer le protocole en réponse à une problématique clinique pour le développement d’un produit de santé.

Une fois le protocole rédigé, il est soumis à un Comité de Protection des Personnes (CPP) qui va évaluer l’impact de l’étude clinique sur la sécurité du patient. Ce comité est composé de plusieurs collèges constitués de philosophes, juristes, médecins, membres d’association de patients, infirmiers, biostatisticiens et un rédacteur médical.

Le CPP évalue si l’essai est en adéquation avec le tableau clinique des patients ciblés par le protocole pour éviter des incohérences. On peut imaginer un protocole où un patient doit faire plusieurs dizaines de prises de sang en 6 mois alors que son système veineux est très endommagé par la chimiothérapie qu’il reçoit depuis plusieurs mois, ce qui peut avoir un impact significatif sur la sécurité du patient.

Après plusieurs relectures du protocole entre le CPP et le laboratoire porteur de l’essai, le CPP approuve l’étude.

Une étude de faisabilité est ensuite effectuée auprès des hôpitaux potentiellement recruteurs de patients.

Lors de l'étude de faisabilité, des questionnaires sont envoyés aux hôpitaux afin de connaître la compatibilité de la structure hospitalière par rapport aux pré-requis de l’étude. Il faut donc vérifier les ressources techniques (perfusions, frigo, etc) et humaines.

Lorsque les hôpitaux sont sélectionnés, l’essai est mis en place par une réunion de présentation de l’étude à l’équipe soignante. Le premier patient peut être inclus dans l’essai après cette présentation.

Suivi des données dans un essai clinique

La cohérence des données de l’essai est contrôlée à intervalle régulier par des visites de monitoring durant lesquelles la cohérence des cahiers d’observations au regard des données des dossiers patients est contrôlée.

Aujourd’hui, les cahiers d’observation sont numériques. Ce sont des Case Report Form (CRF) ou eCRF (Case Report Form électronique). Ce sont des formulaires à compléter sur des sites internet dédiés. Le principal avantage de ces formulaires réside dans leur design adaptable aux besoins de chaque essai clinique.

Les eCRF possèdent des systèmes de sécurités correcteurs qui vont détecter des erreurs de saisies telles que des dates incohérentes ou des manquements aux critères d’inclusions. Ces erreurs vont générer des queries (demandes de correction) qui signalent à l’investigateur (médecin ou attaché de recherche clinique hospitalier) l’erreur et en demandent la correction. Si la correction est impossible, l’investigateur doit en justifier la raison.

Durant l’essai, les eCRF sont bloqués à intervalle régulier, afin de pratiquer diverses analyses statistiques. On peut citer par exemple la fréquence des patients inclus avec certaines comorbidités ou la fréquence de certains effets indésirables.

Enjeux de la recherche clinique

Les enjeux majeurs de la recherche clinique se concentrent sur deux grandes problématiques : le recrutement des patients et la disponibilité des données.

Recrutement des patients

La principale cause de retard d’une étude clinique est le recrutement des patients. Le recrutement des patients est un processus très long et fastidieux. Il s’agit de vérifier si un patient remplit tous les critères d’inclusions de l’étude et aucun critère d’exclusion. Prenons en exemple : un essai clinique en oncologie. Nous pouvons citer le cancer du rein, un critère d’inclusion d’un essai sur ce cancer serait la catégorie de la tumeur rénale et un critère d’exclusion serait la présence d’un autre cancer au sein de l’organisme.

Ces vérifications sont faites aujourd'hui manuellement par les attachés de recherche clinique (ARC) en examinant attentivement le dossier du patient. Cela engendre beaucoup d’erreurs et donc beaucoup d’inclusions à tort, révélées le plus souvent par des examens complémentaires. Afin d’éviter des erreurs et faciliter le travail de l’ARC, des outils de "pré-screening” peuvent permettre d'identifier plus efficacement les profils de patients les plus pertinents. Le traitement automatique du langage peut également accélérer le processus de sélection des patients, via la détection automatique d'antécédents par exemple, et permettre la réduction du temps entre le début d’un essai et la mise sur le marché du médicament expérimental.

Accès aux données

Le second challenge des essais cliniques est l’accès aux données ainsi que leur standardisation. La clé pour répondre à cette problématique est la création d’un entrepôt de données de santé (EDS) au sein des établissements de soin.

Un EDS regroupe, agrège et harmonise l'ensemble des données des bases de données de l'établissement pour faciliter leur réutilisation. Les EDS modernes implémentent le modern data management et se basent notamment sur des standards d'interopérabilité tels que OMOP ou FHIR.

Plusieurs initiatives essayent d’ailleurs de connecter les CRF directement aux dossier patients (EHRtoEDC), et plus récemment et probablement plus prometteurs aux EDS hospitaliers : l’enjeu est de réussir à pré-remplir automatiquement les formulaires d’essais cliniques, pour réduire le risque d’erreur et faciliter le travail des équipes.

Conclusion

Les essais cliniques sont des processus longs et très réglementés. Le point clé de la réussite d’une étude clinique est la parfaite conjonction entre les 3 acteurs de la recherche clinique: les médecins, l’industrie pharmaceutique et les patients.

Un essai réussi ne se résume pas uniquement à la mise sur le marché d’un nouveau produit de santé mais c’est avant tout une nouvelle solution thérapeutique pour les patients, développée en toute sécurité et toujours dans le respect fondamental des droits du patient selon les principes du code de Nuremberg.

Enfin, les entrepôts de données de santé et le traitement automatique du langage peuvent significativement accélérer les essais cliniques et de ce fait offrir plus rapidement de nouvelles solutions thérapeutiques aux patients.

Sources
1. Essais Clinique: Du patient à l’objet de science. Yannick Bardie, édition Sauramps Médical, 2013
2. Bonnes Pratiques de l’ARC. Alain Rusterholtz, 2014

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